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Le préambule

L'épreuve de Culture Générale doit être bien comprise pour être réussie.

A cette fin, il faut apprendre à se positionner entre une exigence de connaissance et une exigence de réflexion critique. La seconde position est évidemment celle qu'il faut privilégier.

Connaissances vs Méthode
il faut comprendre ce qu'on attend de vous

Le 1er commandement

On ne vous demande pas de produire une analyse de spécialiste. Vous n'y arriverez pas et quand bien même ce serait le cas, vous passeriez à côté de l'objectif de l'exercice. La dissertation de CG n'est pas un exposé universitaire.

Le 2è commandement

Partir du savoir, c'est laisser le stress s'installer: vous aurez peu de chances de tomber sur un sujet vu en classe, et il faudra quand même trouver les ressources pour le traiter.

La CG n'est pas une matière, c'est un vécu auquel on donne du sens par une méthode.

Le 3è commandement

Une bonne méthodologie fonctionne pour tous les sujets…

Le 4è commandement

 

Votre correcteur n'est pas un universitaire : il est en quête de quelqu'un qui sorte du lot dont le travail va répondre à trois attentes :

  • Êtes-vous un bon citoyen ? (Tenir des propos compatibles avec la République)

  • Serez-vous un bon collègue ? : parlez-vous un langage commun, que ce soit sur la forme, avec le respect de l'orthographe et de la syntaxe, mais aussi sur le fond : un bon collègue, c'est celui avec qui on aime bavarder. Il faut donc être agréable à lire. Une remarque importante car elle s'adresse autant aux laborieux qui ont l'écriture difficile, qu'aux intellos, qui ne savent parler que de lois, de décrets, de Hobbes et d'Habermas, sans vraiment maîtriser tous ces concepts par ailleurs, dans une écriture lourde et jargonneuse. En général, on fuit les intellos devant la machine à café... il faut apprendre à sourire quand on écrit: on le fait simplement, avec les mots du quotidien, sans entrer dans une posture. Votre correcteur vous consacrera 20mn, il faut le prendre par la main, l'inviter à s'assoir et engager avec lui un échange qui lui donne envie de rester jusqu'à la fin.

  • Êtes-vous un bon policier ? : son regard sur le monde est à mi-chemin entre l'indignation et le conservatisme. Le policier constate les dysfonctionnements de la société. Tous les jours, il est le témoin de l'injustice du monde tout en étant l'un de ceux qui œuvre pour permettre à la maison de tenir debout. Pour pacifier les rapports sociaux, il faut savoir conserver l'essentiel.

"Ce n'est pas ce que vous ne savez pas qui vous attire des ennuis, c'est ce que vous savez avec certitude et qui n'est pas vrai".
                                                                                                         Mark Twain

Un sujet suppose de traiter de l'actualité, mais sans s'enfermer dans cette seule dimension (votre travail va manquer de profondeur sinon), ni basculer dans la logique du "pilier de comptoir", le célèbre "Ya Ka, Faut Kon", qui ne pèse pas lourd en terme de notation.

Il faut aborder des notions diverses en sciences politiques, philosophie, économie, droit, etc.

Mais ce n'est pas un étalage. Oubliez l'esprit "Sciences-Po" (qui n'est plus d'actualité) qui consisterait à aligner un maximum de références et de citations. Le jury recherche d'abord de l'honnêteté dans la démarche : parlez de ce que vous connaissez... et une marge d'escroquerie est même tolérée ! La part de l'industrie dans le PIB national tourne autour de 10%, personne ne vous sortira du concours si vous la placez à 20%. Par contre, plus vous entrez dans une démarche de spécialiste, plus vous prenez le risque de vous faire châtier en cas d'erreurs.

Concernant le recours à l'Histoire, il faut éviter un malentendu fréquent : on ne vous demande pas de produire une analyse d'historien. Quand le passé est sollicité, il faut le faire dans la logique du temps long : en somme, évoquer 1789 pour nous raconter la prise de la Bastille ne sert à rien en CG. Construire un parallèle entre cet événement et une certaine analyse des Gilets Jaunes est plus intéressant. Peut-être nulle sur le fond, mais vous n'êtes pas un sociologue, on s'en fiche. Il s'agit simplement d'être crédible en formulant une hypothèse qui sollicite le passé.

La maîtrise de l'Histoire repose d'abord sur la connaissance d'événements que l'on va garder en mémoire car "ils éclairent notre présent" (Marc Bloch).

C'est un enjeu fort dans votre préparation.

" Cramponnez-vous, serrez les fesses et fermez vos gueules !"

Les Bodins en Thaïlande

Parlons un peu de la culture populaire. 

Vous vous rappelez cette remarque sur la machine à café ? Un bon devoir c'est celui qui donne envie d'être lu. Regardez la Jetée de Chris Marker (1968) et essayez d'engager une discussion avec vos collègues sur le lien que le réalisateur fait entre la métaphysique temporelle et la critique (très maoïste, j'en conviens) de l'espace social. Vous aboutirez à un naufrage relationnel.

Maintenant, reprenez la même situation de départ et parlez des Bodins en Thaïlande. Dites que vous avez aimé (moi j'ai bien aimé) mais que vous vous posez la question du succès d'un tel film. Comment expliquer qu'1 million de spectateurs se soient rués pour le voir … mais seulement 24.000 parisiens (les chiffres sont à vérifier, mais nous savons maintenant que nous avons droit à une part d'escroquerie). Qu'est-ce que cela dit de notre société ? Si vous arrivez à faire un lien entre Paris et province (cherchez Balzac et les illusions perdues ensuite), sur la place de l'humour dans notre société, sur la figuration de la campagne française, éternellement coincée entre caricature et nostalgie, etc. alors vous êtes dans la bonne démarche.

Les références culturelles, même populaires, sont souvent absentes des copies alors que ce sont elles qui seront lues avec le plus d'attention. La littérature, le cinéma ont pour vocation de parler du monde. Lisez des livres, regardez des films et soyez vigilants sur les passages qui sollicitent votre curiosité.

Prenez mon voisin Totoro d'Hayao Miyazaki. Le film parle autant à un enfant de 5 ans qu'à un agrégé de philosophie autour d'une idée commune, celle du jardin secret qui donne accès à un monde magique.

Chez l'enfant, la lecture du jardin secret se fait au premier degré, chez le second, il y a une lecture symbolique qui peut l'éclairer sur ce qui ne marche pas dans notre société.

Par exemple, dans le rapport des enfants aux réseaux sociaux. Pour eux, il y a la volonté de s'y enfermer comme Mey et Sakura le font dans l'arbre où vit Totoro, un espace d'intimité protectrice, celui du jardin secret. Qu'est-ce qu'ils y trouvent en réalité ? La pédophilie et le harcèlement.

Internet s'est-il construit à partir d'une fausse promesse ? Incontestablement si on le compare à l'œuvre de Miyazaki.

Mais, comme pour les Gremlins, il y a quelques règles à respecter :

  1. N'abusez pas des références populaires. Le jury a une quarantaine d'années. Il a grandi durant l'époque bénie des Eighties, celle qui a accouché d'Indiana Jones, ET et autres Lethal Weapons. Mais vous pouvez aussi tomber sur un lecteur plus académique qui traduira ces références comme un aveu d'ignorance.

  2. Pour éviter cela, essayez d'associer références populaires et références académiques. L'ensemble vous donnera un rythme intéressant.

  3. Au-delà de la référence elle-même, c'est ce que vous en dites qui compte. Si l'analyse est pertinente, vous emporterez toujours la décision.

Comment réviser ?

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Prenons un exemple : la Joconde de Léonard de Vinci.

Tout le monde connaît ce tableau, mais on peut entrer dans ses dimensions en lisant la très belle analyse qu'en propose Daniel Arasse dans ses Histoires de peinture (je vous le recommande).

Pour ce spécialiste du détail dans la peinture de la Renaissance, il y en a certains dans ce tableau qui méritent notre attention (je vous souligne les thèmes auxquels il me font penser) :

  1. C'est un petit format (77x53), une commande d'un marchand italien pour remercier son épouse de lui avoir donné deux beaux enfants (des fils de surcroît). Comment expliquer que Léonard lui ait donné les traits d'une prostituée (couleur des cheveux et épilation des sourcils) ? Imaginez maintenant un sujet sur la liberté. Par exemple celle de l'artiste (libre par nature) qui se distingue de l'artisan (qui travaille sur commande). Ici, nous avons un moment de transition en histoire de l'art, celui du basculement de l'artisan vers l'artiste.

  2. Vous voyez le pont au niveau de l'épaule droite ? C'est la seule trace de l'Homme dans ce paysage assez inquiétant. Le pont a toujours eu une dimension symbolique très forte, au cinéma on ne rigole pas avec les ponts. Le franchir, c'est généralement changer de vie, une rencontre amoureuse a souvent lieu ici, mais c'est aussi le passage d'un monde vers un autre, par exemple dans le Nosferatu de Murnau,  le héros entre dans le domaine du mal après en avoir traversé un, le Bifröst chez les Vikings, etc. Que fait ce pont, ici ? Peut-être que Léonard nous invite à réfléchir sur le caractère éphémère de la beauté de son sujet. La jeunesse n'est pas immortelle, la vie passe comme sur un pont... ou alors, le peintre se présente comme Dieu, lui seul a le pouvoir démiurgique de rendre immortel son sujet.

C'est cela réviser en Culture Générale : ne pas accumuler pour accumuler, mais faire preuve d'intelligence.

Posez-vous toujours la question quand vous lirez mes cours: dans quelle catégorie allez-vous classer les informations que je place devant vous ? Vous pouvez en garder très peu, mais si vous savez les utiliser, les recycler, alors vous réaliserez ce qu'on attend de vous.

Votre objectif est de vous construire un "archipel de références" : au contact de la connaissance, il s'agit d'en faire le tri entre trois catégories avec pour objectif final de vous "nourrir" intellectuellement afin de pouvoir traiter n'importe quel sujet.

Les maîtres mots sont ici la "sélection" et le "recyclage".

Commençons par le premier, la sélection :

Au contact de mes cours, vous aurez à lire une très grande quantité de pages (pardon). Il ne s'agit pas de tout garder en mémoire. C'est impossible (vous n'avez pas le temps), et c'est idiot (on ne vous attend pas sur un travail de spécialiste).

A partir de là, vous allez vous engager dans une lecture attentive à l'issue de laquelle vous procèderez à une sélection d'informations selon trois registres :

  • Dans le 1er registre : vous y jetez tout ce dont vous ne vous servirez jamais (rien compris, trop technique, n'arrive pas à le retenir, etc.). Cela peut concerner 75% d'un cours. Pas de souci, de toute manière, ce n'est pas vraiment vous qui faites le choix : votre mémoire retient ou ne retient pas. C'est comme ça. 

  • Dans le 2è registre : les éléments utiles pour la thématique étudiée. Ici, vous allez vous faire un peu violence en forçant la mémoire à retenir quelque chose qui vous paraît indispensable au sujet considéré. Prenez une étymologie latine. Cela conduit rarement à une jubilation intellectuelle, mais on sent que l'information sera nécessaire si on vous interroge sur le sujet auquel elle renvoie.

  • Dans le 3ème registre, on entre dans le "saint des saints", la boite "Bohuslav Hasistejnsky de Kornel" : ici, c'est la pure curiosité, la mystique de l'intelligence qui s'exprime, celle qui fait qu'on se rappelle des choses sans avoir à les apprendre. Notre Bohuslav était un humaniste hongrois du XVe siècle, ne me demandez rien sur lui, son nom a juste imprimé ma mémoire pour le reste de mes jours depuis ce jour funeste en classe préparatoire où j'écoutais mon professeur (dont j'ai oublié le nom) nous détailler les différents foyers de la Renaissance en Europe. Pourquoi avoir retenu ce nom plus qu'un autre ? C'est le mystère de la mémoire, mais une chose est certaine : si vous donnez du sens et de l'intérêt à ce que vous lisez, vous nourrirez votre saint des saints et c'est ici que vous irez toujours puiser les éléments pour construire votre argumentation. Le secret en CG est là.

 

Evidemment, nous en arrivons au recyclage :

La première culture, c'est la vôtre, c'est "ce qui reste quand on a tout oublié" (André Malraux), ce que vous avez mémorisé avec plus ou moins d'efforts.

Et dans ce registre, il faut partir d'une base: votre vie. On ne part jamais de rien en CG. C'est précisément ce qui explique pourquoi les candidats en concours interne arrivent mieux en CG que les jeunes à peine sortis de leurs études. Ils ont un vécu, on "ne leur fait pas" (un peu quand même, s'ils sont parents notamment), ils savent que la vie n'est pas une "route droite avec une forte pente". Tout ce travail sur la nuance, la relativité, souvent vous l'avez déjà acquis.

Par contre, ce qui va vous manquer, c'est la conscience de votre potentiel. Sortez-vous de la tête qu'en récitant une fiche vous atteindrez la réussite. L'enjeu est ailleurs : il faut muscler votre culture personnelle, dans laquelle vous reviendrez constamment puiser votre inspiration (on retrouve mes propos sur le "saint des saints").

Mettez de côté 10 romans, 10 films, 10 tableaux, 10 événements historiques, 10 mythes, et réfléchissez comment ils peuvent nourrir votre réflexion. Vous verrez qu'ils peuvent être recyclés pour traiter à peu près tout.

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