
L'introduction
Une mauvaise introduction et l'épreuve est terminée.
C'est sur cette base sympathique et très peu anxiogène qu'il faut envisager cette partie de la méthodologie.
Daniel Kahneman l'a exprimé bien mieux que moi : tout est une question de biais. Le premier regard, la manière de dire bonjour, une paire de chaussures (c'est ce que me disait mon père, la classe ça vient des chaussures, pas de la cravate). Bref, le premier contact amène un biais, positif ou négatif, et ensuite il s'agit soit de le maintenir, soit de ramer pour changer un regard initial un peu "contrarié".
L'enjeu de l'introduction est là.
"Smokey, This Is Not Vietnam, This Is Bowling. There Are Rules."
The big Lebowsky
L'accroche ou l'art du préliminaire
L'accroche est obligatoire, on prend le temps de la rédiger et elle doit remplir deux fonctions :
-
Elle donne du plaisir à sa lecture. A ce titre, on va chercher quelque chose qui étonne le regard, qui suscite de la curiosité, qui stimule. Si on s'ennuie. C'est fini. La référence peut venir de n'importe quoi, un faits divers, un film, un livre. L'essentiel est de trouver le bon rythme : il faut entrer dans la dimension du récit sans être trop long.
-
Il faut savoir conclure son accroche. Raconter pour raconter ne mène nulle part. Il faut lui donner du sens, une raison d'être : l'accroche, c'est un premier éclairage du sujet, qui se fait souvent sous la forme d'un paradoxe apparent. L'accroche s'appuie sur un détail qui révèle un problème. Quelque chose qui ne tourne pas rond autour du sujet et qui permet d'amener une première mise en tension du sujet
"Tout le monde mange du couscous et des merguez dans ce pays, l'intégration est réussie"
Jean-Luc Mélenchon
Posons-nous la question : cette citation ferait-elle une bonne accroche sur un sujet sur l'intégration ? Avons-nous le plaisir de la lire ? (Peut-être) Avons-nous un paradoxe apparent ? Voyons-nous un éclairage du sujet ?
NON. C'est donc un mauvais choix.
"la vraie intégration c'est quand les catholiques appelleront leurs enfants Mohamed, là c'est plus intéressant"
Martin Hirsch
Mettez en balance cette phrase de Martin Hirsch avec les données du livre de Jérôme Fourquet, L'Archipel français (2019), dans lequel il montre que 19% des prénoms donnés en France étaient d'origine "arabo-musulmane". Grand remplacement ou évolution sans conséquence ? Un refus de l'intégration ou une simple transition à l'issue de laquelle tous les Mohamed se seront mariés à des Sarah pour donner naissance à des Cindy et des Bouchard (ce n'est plus un prénom très répandu, mais il a existé un Bouchard de Montmorency au XIe siècle, chevalier de son état. un clin d'œil aux partisans de la France éternelle qui savait aussi produire des prénoms moches).
Ici, vous avez déjà quelque chose qui fonctionne mieux. Un paradoxe apparent, une référence, le début d'une mise en tension du sujet.
C'est une accroche qui fonctionne.
Prenons le temps d'un exemple
le bonheur :
Nous vivons une époque où l'Homme n'a jamais eu accès à autant de richesses et de bien-être : il mange à sa faim, travaille 35 heures par semaine, son espérance de vie est très élevée. Il vit entouré de culture, sa bibliothèque personnelle comptant plus de livres que celle de Charles V en son temps. Ses enfants ne meurent pas avant l'âge de cinq ans et il peut leur donner des perspectives d'avenir. Bref. Jamais dans l'Histoire de l'Humanité, notre confort de vie n'a été aussi élevé. Comment expliquer après un tel constat que l'Homme se suicide autant ? à hauteur de 9.000 morts par an en France, il semble bien qu'il lui manque l'essentiel : le bonheur.
Nous avons le paradoxe, nous avons quelque chose qui suscite l'intérêt et nous n'entrons pas dans l'analyse.
C'est donc une accroche qui fonctionne.
Dans un autre style sur le même sujet :
En novembre 1942, alors que les troupes allemandes entrent dans la France libre, le général Weygand se prépare à quitter Vichy alors que Laval, premier ministre de Pétain et fervent soutien de l'Allemagne nazie, veut rester : "Monsieur Laval, vous avez contre vous 95 % des Français" - "Dites plutôt 98 %, mais je ferai leur bonheur malgré eux". En somme, Laval se moque de son impopularité car il n'a aucun doute de pouvoir agir en faveur du bonheur collectif, même s'il doit plonger la population dans le malheur de l'occupation.
L'état est-il un acteur légitime quand il est question du bonheur d'autrui ?
La dimension du récit est ici plus importante, j'ai pris le temps de raconter mon histoire et je la conclus sur un paradoxe formulé sous la forme d'une question. Cela ne gêne pas si mon lecteur est bien conscient qu'il ne s'agit pas de ma problématique. Si cette forme dérange, on peut la modifier : "l'état semble un acteur peu pertinent pour prendre en charge le bonheur d'une population".
Tout est question de rythme et d'équilibre. Le reste n'est que littérature.
Définir le sujet
La définition peut être un moment difficile à appréhender quand on a aucune idée de quoi il est question.
Posséder l'étymologie, c'est évidemment entrer dans la dimension du Bien. Encore faut-il lui donner du sens. Et dans ce registre, l'idée générale est à la fois d'expliquer de quoi il est question, mais aussi de définir les bornes du sujet, c'est-à-dire de suggérer les tensions que la problématisation finira de présenter et qui sont contenues dans la définition. Expliquer l'égalité peut se faire sous l'angle des inégalités. Expliquer Définir les élites à travers le rejet et la fascination qu'elles suscitent, c'est aussi une entrée intéressante.
" Do or Do not. there is no try"
Yoda
Que faire, quand on a le latin rayé ?
Et bien, on réfléchit et on fait preuve de bon sens. On considère les mots-clés du sujet. Et seulement eux. Pas besoin d'entrer dans une logorrhée pénible dans le but de définir TOUS les mots du sujet (vous êtes dans la peine si c'est une citation...)
On essaie de comprendre les enjeux qui tournent autour du sujet. on les définit en mettant en avant les tensions qu'il porte en lui.
Prenons l'exemple de l'école : s'il est assez peu intéressant de la définir comme une institution où l'on transmet des connaissances. Il est plus intéressant de la présenter comme un espace institutionnel confronté à des attentes exacerbées qui deviennent des blocages à sa mission. Pour un sociologue spécialiste de la question, il trouvera l'ensemble laid (et encore), pour un jury de concours en CG, l'impression sera toute autre.
Prenons l'exemple de la femme : expliquez qu'elle se range dans la catégorie des êtres humains sexuellement genrés. Cela n'est pas intéressant. Amener le lecteur vers l'idée du totem l'est davantage. En tant que tel, le féminin est devenu notre horizon collectif : autant dans le but de sauver la femme de l'homme que de la valoriser pour lui confier la charge de nous sauver de ce qui nous brutalise. Pensez au renforcement des liens sociaux, grande cause nationale avec la prise en charge de la dépendance au bout du chemin. Tout ceci est à envisager sous l'angle des valeurs féminines, car ce n'est pas la voie de la virilité qui nous sortira de ce bourbier. Mais évidemment, cette définition en appelle d'autres : la question du genre ? Quel rôle pour le masculin ? Evidemment, la définition pourrait se conclure sur l'idée de guerre des sexes.
Problématiser
"Un problème sans solution est un problème mal posé"
Albert Einstein
La formulation de la problématique est un moment important.
Ne commencez pas cette partie de l'introduction directement par la question. On vous demande de problématiser le sujet pas simplement une problématique. Quelle est la différence ? Dans le premier cas, mettez en tension le sujet en rappelant pourquoi, dans notre société traversée par des crises et des problèmes, un tel sujet est devenu absolument nécessaire. A la suite de quoi, vous pouvez entrer dans le questionnement à proprement dit.
Idéalement, vous avez le choix : vous pouvez partir sur une série de questions. Dans ce cadre, vous mettez en avant une tension originelle du sujet. Celle que vous traiterez dans votre I et qui s'appuie souvent sur le paradoxe de l'accroche.
Prenez le Bonheur : alors que l'état démocratique s'est donné la mission d'apporter le bonheur à ses habitants, comment expliquer qu'il n'y soit jamais arrivé ?
Continuez avec une autre question qui amène la crise du II.A : l'état est-il devenu incompatible avec le bonheur ?
Et terminez avec une sortie de crise, une promesse et un espoir (II.B), si possible sous une forme un peu disruptive pour donner envie au lecteur d'aller au bout : faut-il envisager notre bonheur en-dehors de l'état ?
Vous avez d'autres propositions ? Tant mieux, cela montre que la CG n'est pas figée dans son rapport aux sujets.
Soit, vous faites le choix d'une question unique : dans ce cas, elle doit suggérer toutes les dimensions du sujet.
L'état peut-il encore faire notre bonheur ?
L'annonce du plan
" A cette parole, Marie fut toute troublée et elle s'interrogeait"
Luc 1 26-3
Elle se présente comme un paragraphe construit à l'aide de phrases complètes. Evitez les formulations "dans un premier temps", "dans une seconde partie", c'est le Mal à ce niveau de concours, y compris dans pour l'épreuve officiers.
Le plan se présente comme un bloc homogène. Il fonctionne comme une démonstration complète dans laquelle le I amène naturellement vers le II, en indiquant entre parenthèses chacune des parties.
Une annonce de plan est mauvaise quand :
-
On utilise les formules "dans un premier temps", "dans une seconde partie". C'est le Mal à ce niveau de concours, y compris pour l'épreuve officiers.
-
Votre plan peut fonctionner pour tous les sujets : le cas d'école étant I = Oui ; II = Non ; mais il y a des variantes : I = nous verrons les problèmes ; II = quelles solutions ? Rappelez-vous ce très bon conseil : un plan se suffit à lui-même. Sous-entendu : je connais les idées qui vont structurer votre analyse. Le développement amène l'argumentation qui va la démontrer, lui donner du volume.
-
Chacune des parties ne communique pas l'une et l'autre. Problème typique des plans à tiroir : I = Le sujet sous l'angle de l'Histoire ; II = le sujet sous l'angle de "je ne sais quoi".